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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/340

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hardis ont acquis le droit de plaire. Dès que les médecins eurent désespéré de pouvoir lui conserver la vie, lui-même, sentant qu’il étoit dans un état duquel il ne devoit point espérer de revenir, partagea les biens dont il pouvoit disposer en faveur de ceux qui le servoient. Il dicta une lettre pour le grand-visir, dans laquelle il l’instruisoit de l’état où il laissoit la province qu’on avoit confiée à ses soins. Il écrivit aussi à Paris à la comtesse de Bonneval son ancienne épouse, & à un de ses amis avec qui il avoit toujours entretenu un commerce de lettres depuis qu’il étoit passé en Turquie. Ensuite il s’entretint familiérement avec son secrétaire sur les principaux événements de sa vie.

Ma mémoire, lui dit-il sera un exemple du malheur le plus accompli, & de la constance la plus ferme. Toutes les traverses que j’ai essuyées n’ont pu me distraire du soin de me venger de mes ennemis ; si je n’ai pu être assez fortuné pour voir réussir mes desseins, l’embarras & le trouble que je leur ai causé par la crainte des maux que j’ai voulu leur faire, me console de ceux dont je n’ai pu les accabler.

Pendant le cours de la maladie du bacha, il est arrivé plusieurs événemens qui ont fait connoître la fermeté de son génie,