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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/342

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vous voulez leur débaucher un prosélyte, vous ne vous tireriez pas aisément d’embarras. Tous les musulmans ne regardent pas les intérêts de Mahomet avec autant de sang-froid que moi. Ainsi ne vous risquez plus à vous faire empaler.

Le prêtre nazaréen voulut encore presser Osman ; mais il lui répondit : En voilà assez pour aujourd’hui : l’audience que vous avez demandée a été assez longue. Je n’aurai donc pu rien gagner sur votre ame, reprit le prêtre ? Non, dit le bacha ; mais sur ma bourse. Je crois que la derniere vous est plus chere que l’autre._ Il ordonna à son secrétaire, qui avoit été le seul témoin de cette conversation, de donner cent pieces au nazaréen, & de le congédier.

On m’a raconté encore un trait d’Osman, dont j’ai été frappé, & qui prouve quelle liberté d’esprit il avoit conservé pendant sa maladie. Son iman [1], qui aimoit infiniment l’argent, & qu’on taxoit d’être un peu frippon, l’ennuyoit souvent du récit des rares qualités de Mahomet, & du bonheur qu’il étoit prêt d’aller goûter avec les bien-aimés du prophête.

Ecoute, lui dit le bacha. ; comptes-tu après ta mort d’être au nombre de ses bien-aimés ?

  1. Prêtre Turc.