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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/350

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chacun est resté dans son opinion, Quant à moi, je t’avouerai, mon cher Isaac, que je croirois pouvoir décider cette question ; & je la trouve très-aisée lorsque je l’examine. La croyance de la Divinité est, sans doute, nécessaire à l’honnête-homme. Cette divinité a établi un culte pour être servie. On doit donc, par une suite nécessaire de la croyance de la Divinité, être attaché au culte qu’elle a institué : & l’on ne peut quitter celui où l’on est né, que pour entrer dans un autre qu’on croit être meilleur.

On condamne dans le monde la dissimulation comme un crime : & n’est-ce pas une dissimulation continuelle que la feinte croyance d’une chose dont on se rit dans le fond du cœur ? Je blâmerois moins un athée, s’il est vrai qu’il y en puisse avoir, qu’un homme qui croit la Divinité, & qui l’honore d’une façon qu’il sait lui déplaire. L’un offense un être, de la grandeur & de la puissance duquel il est persuadé ; l’autre ne fait d’autre crime que de ne point sortir de son aveuglement. Un roi de France seroit, sans doute, moins fâché contre un Ethiopien ignorant, qui assureroit qu’il n’y en eut jamais, que contre un Espagnol qui viendroit l’insulter par des discours qui lui déplairoient. D’ailleurs, je suis assuré qu’il n’est aucun athée véritablement