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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/49

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plus que vous ne sauriez croire : la mode est le foible de notre nation : chez le beau sexe, c’est une fureur. Une femme, sortant le matin de sa toilette, consume une partie de la matinée à se parer des nippes qu’elle a achetées la veille. Elle va à la Comédie : la mode a changé de midi à trois heures ; & elle est surprise de voir dix robes d’un goût nouveau. Elle est vêtue à l’antique : elle souffre à regret qu’on la regarde ;,elle est au désespoir. Elle sort donc du spectacle au second acte, va s’enfermer jusqu’à ce que dix couturieres, qui veillent toute la nuit, la mettent en état de reparoître le lendemain.

« Ce n’est pas sur les habits seuls que la mode étend ses droits. Elle est souveraine de toutes les actions de la vie : la religion même est de son ressort.

« Un directeur, un confesseur doit être à la mode. Tel curé dirigeoit la semaine passée quatre cents femmes de condition, qui n’est plus chargé de la conscience que de deux ou trois servantes : un mathurin, un récollet, un augustin l’ont déplacé ; & l’ont été successivement par un minime, qui suivra dans deux jours le sort des autres.