Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/55

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étoit, une comédie en musique, dont j’avois pu voir la premiere idée dans les chœurs des anciennes tragédies Grecques. Le plaisir, que le chant, les machines & les danses me donnerent, suspendit quelque tems mes questions : mais la curiosité l’emportant, je priai le chevalier de m’apprendre le nom de quelques-unes de ces dames qui formoient cette académie royale, & que je croyois devoir être des premieres de la cour ; ne me figurant point, que ce ne fût qu’à un ramas de simples comédiennes que l’on donnât un semblable titre.

« Qu’appellez-vous, me répondit-il. Vous demandez le nom de ces dames de condition ? Y pensez-vous ? Ce ne sont là que des chanteuses à gages. Cette reine de Crete est la Pelissier, autrement appelée la Manon : son premier métier étoit d’être ravaudeuse à Rouen.

« Cette autre, qui représente la princesse sa sœur, est la Hermance : son pere étoit savetier. Il est peu de ces princesses & de ces reines qui n’aient fait en leur vie un ou deux tours à la Salpétriere, ou aux Madelonnettes ; sans compter les absences qu’elles font quelquefois, lorsqu’elles sont en retraite chez quelque habile chirurgien.

« Tous ces gens, continua-t-il,