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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/74

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pour que ces conversions ne vinssent point aux oreilles du ministre. On prend en Espagne des mesures si justes, que rarement on découvre ceux de notre religion. Un pere ne déclare à son enfant qu’il est Juif, que lorsqu’il a atteint l’âge de raison. Il examine, avant de lui confier son secret, de quelle maniere il pourra l’apprendre. S’il doute qu’il renonce au christianisme, il le laisse dans son égarement. Mais dès le moment qu’il a fait cette dangereuse confidence, s’il ne veut pas embrasser la foi d’Israël, il est condamné à la mort. La nécessité oblige à cette cruauté. On l’empoisonne bientôt. Il y a en Espagne beaucoup de médecins juifs. Ils distribuent aux peres de famille un venin subtil, qu’ils composent & & réservent pour cette occasion.

Ces choses, mon cher Isaac, doivent être toujours cachées à nos ennemis : ils nous accuseroient de cruauté & de perfidie.

Mais pour éviter de nous porter à ces excès, ils n’auroient qu’à avoir plus d’humanité ; & le sang de ses enfans que les peres sont contraints d’immoler, retombera sur nos tyrans, sur ses cruels inquisiteurs, dont le plus doux plaisir est de nous pourchasser comme des bêtes féroces. Le jour où