Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/77

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par-tout si je ne découvrirois point de théâtre : il ne s’en présentoit aucun à ma vûe. J’apperçus enfin une espéce de petite tribune, contre un des piliers de la salle, dans laquelle je vis entrer un homme avec un habillement qui m’étoit inconnu, & qui tenoit du grotesque. Il avoit mis sa chemise sur son habit, & sur sa tête un bonnet noir, dont le haut se terminoit pat quatre cornes. Je ne doutois pas que ce ne fût-là le comédien qui devoit ouvrir la piéce. Je croyois qu’il alloit parler ; mais il resta quelque tems sans rien dire. Il regarda l’assemblée, toussa, cracha, se mit à genoux, remua ses levres, se porta la main sur les épaules, sur l’estomac, sur le ventre. Je ne doutois plus que ce ne fût une pantomime : je crus qu’il alloit occuper toujours de même l’assemblée ; car elle étoit fort attentive à toutes ces grimaces, & je voyois qu’il falloit qu’elle entendît à fond ce langage. Cependant lorsque je m’y attendois le moins, cet homme dit gravement une phrase latine ; & parlant ensuite François, fit un discours qui me parut assez bon, sur les dangers où la comédie exposoit en excitant les passions. J’étois assez attentif, & je ne pouvois comprendre pourquoi il décrioit ainsi ses confreres.