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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/78

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Je n’aurois jamais cru que c’eût été là un docteur qui annonçoit la loi de Dieu. Ses gestes, ses contorsions, ses emportemens, ses tons, tantôt violens, tantôt modérés, son air doux dans certains momens, hagard & furieux dans d’autres, tout cela me confirmoit dans mon opinion.

Lorsque j’étois dans une si grande erreur, j’apperçus le chevalier de Maisin à l’autre bout de la salle. J’usai du privilége des autres ; je traversai la foule, & fus le joindre.


Expliquez-moi, lui dis-je, l’endroit où je suis ; car je vous avouerai que je ne puis le deviner.

« Vous êtes, me dit-il, dans une de nos églises ; & vous y entendez un sermon, que débite un fort bon prédicateur. »

Vous appellez donc, lui dis-je, cet homme qui se démene dans cette tribune un prédicateur, & ce qu’il recite un sermon ? Mais, continuai-je, cela me paroît assez bon : pourquoi ne le dit-il pas simplement  ?

« C’est pour lui donner plus de grace, pour toucher plus vivement les cœurs de ses auditeurs, & pour donner plus de force à sa morale. »

Il faut, repliquai-je, que vous ayez le cœur bien dur, que votre morale soit bien mauvaise si de pareilles contorsions & de semblables criailleries, sont nécessaires pour vous émouvoir à la vertu.