Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/87

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au respect que les sujets doivent à leurs princes.

Il me paroît, mon cher Isaac, que le bonheur des peuples dépend de leur soumission aux loix de l’état, & aux ordres de ceux à qui Dieu en a confié la conduite. La tranquillité & la paix d’un royaume consistant dans l’harmonie & dans l’union du souverain & des sujets. Dès que cette union ne se trouve point, tout est en combustion : il faut que, par les fréquentes secousses que la discorde donne à un état divisé, il s’écroule & tombe en ruine. L’empire Ottoman ne périra jamais que par ses propres forces : il renferme dans son sein ses plus cruels ennemis ; & ses changemens de visirs, ses sultans détrônés, ses janissaires toujours prêts à se révolter, sont des accès de fureur qui déchirent ses entrailles.

On doit rendre cette justice aux François qu’ils aiment leur souverain ; & l’on ne voit point ici de ces catastrophes si communes à Constantinople. Mais ce qui te paroîtra surprenant, c’est que les troubles intérieurs de cet état ne sont causés, ni par les grands, ni par la noblesse, ni par les troupes, ni par les peuples. Tu prendras ce que je te dis pour une énigme, & tu ne pourras comprendre qui peut les occasionner.