Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ta surprise augmentera, lorsque je te dirai, que c’est par les moines & les ecclésiastiques. Ils font ici les mêmes manœuvres que les janissaires & les saphis, & sont divisés en deux partis aussi opposés que le sont ces deux corps de milice. Le sujet de leur haine est un écrit que le souverain pontife a fait, par lequel il ordonne à tous les nazaréens de penser, d’écrire & de soutenir, qu’il pense juste lorsqu’il se trompe [1].

Cette ordonnance a révolté beaucoup de gens, & sur-tout quelques docteurs mathématiciens, qui n’ont pas trouvé que les preuves de cette proposition pussent se démontrer géométriquement. Ils ont donc appellé à la pluralité des voix de tous les pontifes subalternes. Mais, quoiqu’ils ne dussent pas s’y attendre, ils ont été condamnés ; & ces pontifes ont décidé que leur souverain avoit raison, & pensoit juste, même quand il pensoit mal. Les docteurs, révoltés d’une semblable décision, & ne voulant pas s’y soumettre ; ne sçachant cependant quelle raison alléguer pour ne point obéir, se sont avisés de soutenir, qu’il falloit que la décision des pontifes eût été faite dans une assemblée générale, où ils eussent tous assisté ; soutenant

  1. L’infaillibilité du pape.