Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/180

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les bienfaits du ciel. Sans cela, un coquin & un malheureux pourroient se flatter d’obtenir de la miséricorde de Dieu autant qu’un honnête-homme. Dieu ne jugeroit des cœurs que par le canal des saints. La cour céleste deviendroit une jurisdiction Normande : l’on seroit sauvé ou damné selon qu’on auroit eu un bon procureur ou un bon avocat, dont on captiveroit l’amitié par un grand nombre de flambeaux brûlés à son honneur, ou par quelques autres présens. Si cela étoit ainsi, je t’assure, mon cher Monceca, que ce Philippe de Néri auroit bien de l’occupation, & qu’il seroit obligé d’être chargé des affaires de tous les habitans de Turin.

Je fus hier dans une fête qui se célébra en son temple. Un moine fit son panégyrique. Il le loua beaucoup de ne s’être point marié, & d’avoir empêché que tous ses disciples ne pussent agir différemment, en les obligeant, ainsi que lui, de s’attacher à l’ordre de la prêtrise, dont sont exclus tous ceux qui ne gardent pas le célibat.

Ce prédicateur s’étendit beaucoup sur l’observance de la chasteté & sur l’état de pureté. Il en fit un portrait si avantageux, que le contre-coup en étoit terrible pour le mariage. Je fus très-étonné qu’on permît de débiter en public des maximes aussi contraires