Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/181

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au bien de la société. Si tous ces gens, disois-je en moi-même, qui écoutent ce déclamateur, restent persuadés de ses sophismes, bientôt le Piémont sera dépeuplé : on ne verra plus que des prêtres, des moines & quelques dévots pendant un tems. Bientôt après il faudra que la société périsse, que le pays se détruise. Selon ce prédicateur, l’état du célibat est beaucoup plus pur & beaucoup plus convenable au nazaréïsme. Dans une religion, ceux qui la croient, doivent chercher d’aller à la perfection. Tous les Piémontois suivront donc ses conseils ; & en gardant le célibat, ruineront la société.

Nous pensons bien différemment, mon cher Monceca. Dans notre sainte religion, la multiplication nous est ordonnée : elle nous est promise & accordée par le ciel comme une marque essentielle de sa bonté. La vanité a occasionné en partie la suppression du mariage chez les pontifes nazaréens. Ils crurent par-là se rendre plus respectables au peuple. On dit que, lorsqu’ils s’assemblerent pour décider cette question, tous les vieux furent du sentiment de continuer aux prêtres la permission de se marier ; & qu’il n’y eût que les jeunes qui s’y opposerent fortement, & eurent le dessus. Depuis ce tems-là, les désordres qui ont suivi cette ordonnance ont fait