Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est un moyen qui est offert au pauvre comme au riche, au roturier comme au noble : la vertu, l’application sont les seuls droits qu’on ait pour y faire plus de progrès que les adversaires. Je ris lorsque je vois certaines gens se flatter d’aller à la postérité, parce qu’ils vont se faire assommer sur une bréche.

Il n’est point de petit gentilhomme de campagne, qui, devenu lieutenant d’infanterie, ne se flatte de transmettre son nom aux races futures. Il croit que l’univers s’occupera un jour à sçavoir si le chevalier de Figeac, Cognac, Reignac, &c. mourut dans son village, ou dans une tranchée. Personne n’a mieux défini que Racine les honneurs subalternes de la guerre, & l’état de simple officier ; lorsqu’Agrippine accuse Burrhus d’ingratitude, elle lui reproche qu’elle l’a pû laisser vieillir

Dans les honneurs obscurs de quelque légion.

L’idée que la plûpart des François ont de croire que la postérité s’entretiendra de toutes leurs actions ; & le préjugé dans lequel sont les plus petits gentilshommes, qui pensent être faits pour attirer sur eux les regards de toute l’Europe ; sont des moyens, dont l’état se sert avantageusement : l’on