Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/229

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toutes ces actions doivent se faire si promptement, qu’on n’a pas le tems de s’amuser à consulter des casuistes, pour sçavoir s’il est permis dans une telle occasion ou de tuer ou de brûler. Une armée ne feroit pas de grands progrès, si, avant de délibérer si l’on donneroit la bataille, on faisoit assembler le conseil suprême des théologiens, pour sçavoir si l’on seroit dans un cas légitime ou non, s’il faudroit aller aux ennemis ou les éviter ?

J’aimerois encore mieux, si j’étois général d’armée, être obligé de consulter les entrailles des victimes, ou les poulets sacrés, selon l’usage des anciens. J’en aurois été quitte, ainsi qu’un illustre Romain, pour les faire noyer s’ils ne vouloient pas manger, afin qu’ils bussent plus à leur aise, & que l’augure fût plus favorable. Mais des théologiens seroient plus difficiles à gouverner que des poulets. Ils formeroient entr’eux mille disputes qui n’auroient jamais de fin ; les ennemis auroient battu dix fois l’armée dévote avant que l’on eût décidé les préliminaires du cas de conscience dont il s’agiroit. Le maréchal de Biron n’eût pas accepté à coup sûr, le commandement d’une pareille armée, lui, qui cassa un capitaine, auquel il ne reprochoit d’autre faute, que d’avoir voulu prendre