Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/259

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un grand chapeau à l’Allemande ; & il tenoit à la main une cane à bec de corbin, comme celles des petits-maîtres François. Il faut qu’il y ait quelque raison qui occasionne un assortiment aussi bizarre. Peut-être veut-il marquer par sa parure toutes les dignités dont il est revêtu ; car il prend les titres de grand d’Espagne, de lord d’Angleterre, de pair de France, de baron du saint Empire & de prince du trône Romain. Son épée à l’Espagnole tient la place de la toison d’or ; sa perruque à l’Angloise de la jarretiere ; sa canne à bec de corbin de cordon bleu ; son grand chapeau à l’Allemande désigne la qualité de baron du saint Empire ; & sa grande robe d’écarlate dénote un diminutif de cardinal, ou, si l’on veut, un prince Romain.

Malgré les plaisanteries du public sur le seigneur Théodore I, roi de Corse, de nouvelle fabrique, il a réduit depuis son arrivée dans ce pays les Génois dans un état qui leur fait tout craindre pour l’avenir. Il s’est emparé du poste avantageux de Porto-Vecchio & de la ville de Sarsena, dans laquelle il a trouvé beaucoup de munitions de guerre. S’il continue toujours de même, il sera bien-tôt en état de mettre le siége devant la Bastia, & d’enlever la capitale de l’isle à ses