Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/262

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Vous n’avez pas sçu, lui dit-il, le malheur que j’ai eu d’être pris en mer l’année passée, & emmené à Alger comme esclave, dont j’ai cependant sçu me délivrer avec perte très-considérable ; mais je dois différer jusqu’à un autre tems à vous parler de ce que je me suis acquis par la grace divine.

Ne trouves-tu pas plaisant, mon cher Brito, que l’esclave d’un Algérien ne veuille plus être redevable de ses grandeurs qu’à la grace divine ; & que celui qui risquoit il y a un an la bastonade pour la plus légère faute, dise aujourd’hui avec emphase, Théodore I, par la grace de Dieu, roi de Corse & de la Bastie, à nos gens tenans nos conseils, nos cours de justice, nos sénateurs, provéditeurs, baillifs, sénéchaux, &c… salut : Ce sont-là des coups de l’aveugle fortune. Elle se plaît à tirer un homme du néant, pour le placer dans les dignités les plus distinguées ; & l’on voit souvent un homme de la lie du peuple parvenir à de grands emplois. Il est vrai qu’on connoît peu d’exemples d’une élévation aussi grande & aussi prompte que l’est celle du seigneur Théodore. Cependant, si nous remontons à la premiere origine de la royauté, nous trouverons que les hommes qui furent destinés &