Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/263

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élus pour commander aux autres, n’avoient pas des droits plus grands & plus justes sur les peuples, que Théodore sur les Corses. Le nom de roi eût toujours été inconnu aux hommes, si l’intérêt commun ne les eût forcés de placer le pouvoir & l’autorité dans un seul. Les Corses réduits au désespoir par les Génois, ont eu recours à un particulier pour les délivrer de la tyrannie. S’il leur rend la liberté, & les affranchit de l’esclavage, que leur importe quel est l’état où il est né ?

Un guerrier généreux, que la vertu couronne, Vaut bien un roi formé par le secours des loix : Le premier qui le fut n’eut pour lui que sa voix. [1]

Lorsqu’on examine la conduite des Corses, elle ne paroît plus ridicule : ils recompensent leur bienfaiteur, ils honorent leur libérateur. Pourquoi leur faire un crime de rendre hommage à la vertu, & d’avoir de la reconnoissance ? Je m’apperçois qu’ils agissent d’une façon très-sensée, & que le bon sens & la plus saine politique réglent toutes leurs démarches. Quelque crédit & quelque pouvoir qu’ils ayent accordé à leur

  1. Crébillon, dans Sémiramis.