Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

croient en recevoir du bien : mais dès qu’ils n’en obtienne pas ce qu’ils leur demandent, ils les traitent avec mépris : comment, chien d’esprit, lui disent-ils quelquefois, nous te logeons dans un fort beau temple, nous te nourrissons à gogo, tu es bien doré & bien encensé, & tu ne nous accorde pas les graces que nous te demandons ?

Ils s’arment alors d’un grand fouet, & vous fessent l’idole d’importance pendant dix ou douze jours de suite. S’ils obtiennent pendant ce tems ce qu’ils souhaitent, ils lui font diverses excuses. Pourquoi, lui,disent-ils, monsieur l’esprit, êtes-vous si entêté ? Il est vrai que nous nous sommes un peu pressés ; mais au fond, n’avez-vous pas tort d’être un dieu aussi difficile ? Pourquoi vous faire battre à plaisir ? Cependant ce qui est fait est fait : n’y pensons plus. On vous redorera, vous serez réencensé, vous aurez de quoi faire excellente chère, pourvu que vous oubliez le passé. [1]

Un Chinois qui avoit une idole des plus têtues & des plus bizarres, piqué de la dépense inutile qu’il avoit faite pendant long-tems pour elle, & ne voulant point être la dupe d’un dieu aussi malin, l’attaqua en justice devant le conseil souverain

  1. Histoire de la Chine, tom. II. pag. 223.