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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/296

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fût le pauvre Messie ; leur dispute alloit être finie, lorsque Cohen s’avisa de reprocher à Sabataï Sévi de s’être trop hâté de se publier le Messie puissant, avant que lui le pauvre Messie, qui devoit lui servir de précurseur, se fût fait connoître dans le monde. Sabataï Sévi trouva mauvais que Cohen voulût déja critiquer sa conduite. Je vous casse, lui dit-il : vous n’êtes, ni ne serez jamais Ben-Ephraïm. Et moi, répondit Cohen, je vous casse à mon tour ; & vous promets que je vous empêcherai bien de vous faire connoître pour Ben-David. La dispute s’échauffant alors entre ces deux imposteurs, après les injures ils en vinrent aux coups. Les Turcs, qui gardoient Sabataï Sévi, & qui de la porte de sa prison, avoient entendu cette plaisante conversation, coururent séparer les combattans. Cohen ne tarda pas à se venger : ce fut lui qui apprit aux principaux ministres de la Porte, que les fourberies & les impostures de Sabataï Sévi faisoient tous les jours plus d’effet sur l’esprit des juifs, qui n’avoient rien diminué de l’estime qu’ils avoient pour lui. Nous avons eu souvent des monstres parmi nous, qui voulant abuser de la crédulité de leurs frères, & pour satisfaire leur ambition ou leur avarice, ont pris le titre de libérateur