Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/41

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d’un homme raisonnable. Nous ne devons point, ainsi que les Mahométans & les Italiens, nous tourmenter dans la crainte de l’infidélité de nos femmes ; nous ne devons pas non plus l’occasionner, comme font certains Génois, & les François en général. Il est ridicule de vouloir exposer des femmes dans des occasions périlleuses, & d’exiger qu’elles en sortent sans y succomber. C’est pousser quelqu’un dans un chemin glissant, & demander qu’il reste ferme.

Cette liberté qu’ont les femmes à Gènes, rend la société aimable & gracieuse. Il n’est aucune ville dans l’Italie où un voyageur & un étranger puissent s’amuser plus agréablement. Les Génois sont assez polis, & reçoivent les gens qui leur sont recommandés avec beaucoup d’attention. Moïse Caro m’avoit donné une lettre pour le sénateur Doria, à qui l’on donne le titre de prince. Il me fit un accueil très-gracieux. Cependant, au travers de sa politesse, je découvris un air de grandeur & une vanité inséparable des grands. On dit communément en Italie, qu’il y a trois sortes d’animaux insupportables par leur hauteur, les cardinaux, les ducs & les sénateurs Génois. Ce prince Doria, à qui j’allais faire ma révérence, est d’une