Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/51

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une fade allégorie, croyant de plaire par un goût nouveau. Leurs ouvrages sont morts en naissant, & ont été si peu lus qu’ils n’ont pas été critiqués.

Si les mauvais auteurs réfléchissoient sur les talens & les qualités qu’il faut pour un bon roman, ces sortes d’ouvrages ne seroient plus leur refuge. Un homme pressé par la faim & par la soif, veut faire un livre. Il n’a ni assez de science pour écrire l’histoire, ni assez de génie pour travailler à des ouvrages moraux. Il barbouille deux mains de papier d’un ramas d’aventures mal digérées. Il les narre sans goût & sans génie : porte son ouvrage chez un libraire & fut-il obligé de le vendre au poids, & de ne gagner que le double du papier, il est encore payé outre mesure. Il faut peut-être autant d’esprit, d’usage du monde & de connoissance des passions pour composer un roman, que pour écrire une histoire. On n’apprend à peindre les mœurs & les coutumes que par une longue expérience. Il faut avoir examiné de près les différens caractères pour les pouvoir décrire dans le vrai.

Comment un auteur, dont le métier ordinaire consiste à barbouiller du papier, & passer sa vie dans un caffé ou dans sa chambre, peut-il définir justement un prince, un courtisan, une dame