Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/79

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une partie bien médiocre des biens immenses qu’ils amassent.

Je veux te raconter à ce sujet un trait d’un Espagnol, qui caractérise bien la ridicule vanité de sa nation. Il y a une foule d’étudians Castillans, Arragonois, Andalousiens, &c. qui viennent à Rome pour obtenir du souverain pontife quelque bénéfice. Ils font le voyage de Madrid en Italie en mendiant leur pain. Par le secours d’un collet de toile cirée, garni de quelques coquilles, & d’un grand bâton qu’ils appellent bourdon, ils trouvent partout des charités : les nazaréens ont autant d’attention pour les pélerins de S. Jacques & de N. D. de Lorette, que les mahométans pour ceux de Médine & de la Mecque. Lorsque ces Espagnols sont arrivés à Rome, ils n’ont d’autre nourriture que celle qu’ils vont chercher tous les jours à la porte des couvens. Cela fait, ils se promenent le reste du jour gravement à la place d’Espagne, & ne se considerent pas moins que le premier prince Romain. Un Castillan nouvellement arrivé, & qui ne sçavoit point encore l’heure où l’on distribuoit la soupe, s’adressa à un pauvre ecclésiastique François qui vivoit de l’aumône conventuelle. Sa vanité Espagnole ne pouvoit souffrir qu’il demandât simplement la maison