Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 2.djvu/78

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portant que les jongleurs seroient quittes de tout péage, droit, &c. en récitant un couplet de chanson au péager ; & que les joueurs jouiroient des mêmes franchises, en faisant faire quelques tours de souplesse à leur singe : de-là l’origine du proverbe, payer en gambades & en monnoie de singe. Depuis ce tems, l’amour pour les arts est bien diminué en France. Des Provençaux que j’ai vus souvent à Galata, à Rome & à Gènes, m’ont assuré qu’un péager, un douanier & un commis ne diminueroient pas un liard de leurs droits, pour le récit entier de la tragédie de Phèdre. On tient à Turin la même conduite, & l’on n’y trouveroit pas un morceau de pain sur l’original de la Gierusalemme liberata, ou du Pastor fido.

On voit dans cette ville une quantité de pauvres que la mauvaise récolte de deux années consécutives a réduit dans une grande nécessité. Les bourgeois, touchés de leur misère, tâchent de les assister : les moines forçant leur avarice ordinaire, leur distribuent du pain & de la soupe, certains jours de la semaine à la porte de leurs couvens.

Les religieux nazaréens ont cette coutume à Rome : il est peu de leurs monastères, où chaque jour ils ne donnent aux mendians