Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/18

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mes forces. D’ailleurs, Éradice a été mon amie ; le Père Dirrag fut mon directeur ; je dois des sentiments de reconnaissance à Mme C… et à l’abbé T… Trahirai-je la confiance de gens à qui j’ai les plus grandes obligations, puisque ce sont les actions des uns et les sages réflexions des autres qui, par gradation, m’ont dessillé les yeux sur les préjugés de ma jeunesse ? Mais si l’exemple, dites-vous, et le raisonnement ont fait votre bonheur, pourquoi ne pas tâcher de contribuer à celui des autres par les mêmes voies, par l’exemple et par le raisonnement ? Pourquoi craindre d’écrire des vérités utiles au bien de la société ? Eh bien, mon cher bienfaiteur, je ne résiste plus : écrivons ; mon ingénuité me tiendra lieu d’un style épuré chez les personnes qui pensent, et je crains peu les sots. Non, vous n’essuyerez jamais un refus de votre tendre Thérèse ; vous verrez tous les replis de son cœur, dès sa plus tendre enfance ; son âme tout entière va se développer dans les détails des petites aventures qui l’ont conduite, comme malgré elle, pas à pas, au comble de la volupté.

Imbéciles mortels ! vous croyez être maîtres d’éteindre les passions que la nature a mises en vous ! elles sont l’ouvrage de Dieu. Vous voulez les détruire, ces passions, et les restreindre à de certaines