Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/49

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la réalité du bonheur suprême dont elle avait joui. J’étais si émue qu’à peine lui répondis-je pour la féliciter ; mon cœur étant dans la plus vive agitation, je l’embrassai et je sortis.

Que de réflexions sur l’abus qui se fait des choses les plus respectables établies dans la société ! Avec quel art ce penaillon conduit sa pénitente à ses fins impudiques ! Il lui échauffe l’imagination sur l’envie d’être sainte ; il lui persuade qu’on n’y parvient qu’en détachant l’esprit de la chair. De là il la conduit à la nécessité d’en faire l’épreuve par une vigoureuse discipline : cérémonie qui était sans doute un restaurant du goût du cafard, propre à réveiller l’élasticité usée de son nerf érecteur. « Vous ne devez rien sentir, lui dit-il, rien voir, rien entendre, si votre contemplation est parfaite. »

Par ce moyen, il s’assure qu’elle ne tournera pas la tête, qu’elle ne verra rien de son impudicité. Les coups de fouet qu’il lui applique sur les fesses attirent les esprits dans le quartier qu’il doit attaquer, ils réchauffent ; et enfin la ressource qu’il s’est préparée par le cordon de saint François, qui, par son intromission, doit chasser tout ce qui reste d’impur dans le corps de sa pénitente, le fait jouir sans crainte des faveurs de sa docile prosélyte ; elle croit tomber dans une extase divine, purement spirituelle,