Page:Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/48

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tait. Enfin, les dernières paroles d’Éradice furent le signal de sa retraite : je vis le fier serpent devenu humble, rampant, sortir, couvert d’écume, de son étui.

Tout fut promptement remis dans sa place, et le Père, en laissant tomber sa robe, gagna à pas chancelants le prie-Dieu qu’Éradice avait quitté. Là, feignant de se mettre en oraison, il ordonna à sa pénitente de se lever, de se couvrir, puis de venir se joindre à lui, pour remercier le Seigneur des faveurs qu’elle venait d’en recevoir.

Que vous dirai-je enfin, mon cher comte ! Dirrag sortit, et Éradice, qui m’ouvrit la porte du cabinet, me sauta au cou en m’abordant. « Ah ! ma chère Thérèse, me dit-elle, prends part à ma félicité : oui, j’ai vu le paradis ouvert, j’ai participé au bonheur des anges. Que de plaisirs, mon amie, pour un moment de peines ! Par la vertu du saint cordon, mon âme était presque détachée de la matière. Tu as pu voir par où notre bon directeur l’a introduit en moi. Eh bien ! je t’assure que je l’ai senti pénétrer jusqu’à mon cœur ; un degré de ferveur de plus, n’en doute point, je passais à jamais dans le séjour des bienheureux. »

Éradice me tint mille autres discours avec un ton, avec une vivacité qui ne purent me laisser douter de