Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/111

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loin au travers du feuillage touffu, et, dans l’ombre, gauchement, il s’appliquait le visage contre les mille épingles noires des basses branches, et exécutait un vif mouvement de retrait, avec une grimace, en riant de sa sottise. Cependant il entendit son pas sur les feuilles que l’automne déjà répandait en abondance, et presque aussitôt elle fut près de lui.

Elle était tout en blanc ; la masse de ses cheveux et ses yeux seuls, se confondaient avec la nuit ; mais sa silhouette pleine et légère, prenait sur le fond d’ombre, la vie et l’intensité particulières que donne le trait, le contours précis. Sa forme enivrante se livrait par l’effet d’un hasard. Il ne put s’empêcher de pousser une espèce de cri animal. Elle le gronda de son incorrigible brutalité du premier moment.

— Ah ! lui dit-il, tu ne comprendras jamais ce que c’est que de te voir, de te voir venir ! Tu ne sais pas comment tu es faite ni ce que contient la sinuosité de ta taille…

— Combien de fois tu t’es piqué ce soir contre les petites pointes ?

— Une fois seulement.

— Ce n’est pas assez, il faut trois fois au moins ; comme ça tu ne me verras plus si bien quand j’arriverai ; tu ne me verras que petit à petit ; ce sera plus doux et meilleur. Je saurai bien me mettre en retard !

— Tu ne sauras pas !

— Ça ne m’est jamais arrivé ?

— Jamais.

— Alors, c’est que je t’aime trop : ça ne peut pas durer.

— Tais-toi, ma chérie, tais-toi !

Sa taille se ployait sur le bras du jeune homme. Cette ampleur, cette souplesse et ce poids adoré l’étonnaient toujours en lui causant un si grand ravis-