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simultanée de son père et de sa mère, et emmenée à Naples par une tante.

Ce départ avait mis le comble à la première peine de sa vie, car, après ses parents, l’être qu’elle aimait le mieux au monde était Andréa Belvidera, son compagnon d’enfance, quoique plus âgé qu’elle de six ou sept ans, auquel, tout en jouant, elle s’était promise pour plus tard. C’était un jeune homme sérieux et beau, que l’on comparait volontiers à Florence à ces adolescents superbes qui accompagnent les Médicis dans les fresques de Gozzoli au palais Riccardi ou à Pise. En quittant sa petite amie, il lui avait dit en lui baisant la main : « J’irai te chercher, en quelque endroit que tu te trouves. » Elle lui avait répondu simplement : « Je t’attendrai. » Il était allé achever ses études à Heidelberg et à Paris ; à son retour à Rome, il s’était fait attacher au cabinet d’un ministre ; il avait publié plusieurs ouvrages de sociologie remarqués, et, élu député à vingt-sept ans, il était parti immédiatement pour Naples, demander la main de Luisa.

Luisa l’attendait, et ils s’étaient embrassés comme au jour de leur séparation. Leur bonheur avait été simple et vrai. Ils semblaient créés l’un pour l’autre, et ils n’avaient jamais pensé que l’un à l’autre. Dans la société de Naples, de Rome, de Florence, on les citait comme le ménage le plus uni et le plus parfait. Leur adorable petite fille était la récompense bien due à une union si exemplaire. Aucune ombre n’avait passé sur leur félicité. Ils s’étaient séparés pour la première fois depuis six semaines.

Et Luisa était la maîtresse d’un étranger qu’elle connaissait depuis quinze jours.

« Je viens ! je viens ! ma femme bien-aimée, » disait la lettre.

M. Belvidera était maintenant à Florence. Il racon-