Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/139

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jusqu’au lac par de longues marches plates et moussues.

— Voilà quelqu’un, dit-elle, j’ai peur !

— Folle ! dit-il, ce sont les paons !

En effet, une dizaine de paons remontaient gravement l’allée, comme une réunion d’imposants personnages.

Cependant, on vit dans l’ombre tombante, une forme humaine qui se glissait le long des hauts buis taillés. L’individu cherchait évidemment à se dissimuler : ce ne pouvait être un des jardiniers.

— C’est quelque gamin qui vient prendre des oiseaux ; il n’est pas dangereux pour nous, et c’est lui qui aura le plus peur en nous apercevant… Ah ! dit Gabriel, en le reconnaissant tout à coup, c’est l’amoureux de la belle Carlotta !

— Comment ! c’est ce méchant vaurien qui est si jaloux et qui ne la quittait pas d’une semelle, l’autre jour, à l’Isola Bella ?

— Pourquoi l’appelez-vous méchant ? Il aime cette fille ; il est jaloux et violent ; c’est bien naturel… J’espère toutefois que cet animal-là va nous laisser tranquilles !

Il parut gêné en les voyant et prit immédiatement une contre-allée qui l’éloignait de sa direction première.

— À la bonne heure ! s’écria Dompierre, en s’élançant vers un lourd rideau de lierre pour pénétrer sous le portique où se trouvait l’entrée de la chambre. Il le tenait relevé d’une main, pour permettre à la jeune femme de pénétrer promptement dans leur refuge.

— Tiens ! fit-il, le vent nous a fermé la porte !

Il souleva le loquet en se heurtant assez violemment contre la porte qu’il croyait devoir céder aussitôt. Elle était fermée intérieurement.