Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/140

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— C’est un peu fort, par exemple !

— Allons-nous en, je vous en prie, dit-elle ; il y a peut-être quelqu’un, j’ai peur !…

Elle avait déjà repassé le rideau de lierre, quand il entendit, que l’on remuait dans la chambre. Il demanda :

— Qui est là ?

Puis il prononça le nom du chef-jardinier. On ne bougea plus et ne dit mot. En l’entendant parler à quelqu’un, Mme Belvidera s’était enfuie.

Il alla la rejoindre sous un berceau de verdure où elle s’était réfugiée toute tremblante. Il la rassura contre un danger ; mais il était furieux… Quels étaient les importuns qui étaient venus s’emparer de « leur » chambre ?

— C’est quelqu’un qui a eu la même idée que vous, mon ami !

Ils ne purent s’empêcher de rire.

Au travers d’un groupe de bruyères arborescentes, ils apercevaient l’entrée du portique, légèrement noyé dans l’ombre. Ils imaginaient l’agrément que les derniers feux du crépuscule devaient donner à cette chambre fleurie. Ils ne pouvaient détacher les yeux de cet endroit.

— Ce sont peut-être les fées qui sont rentrées chez elles à cette heure-ci ?

Et ils regardaient les guirlandes lascives et parfumées qui débordaient des fenêtres et qu’ils avaient comparées aux bras des fées endormies. La maison était si jolie et le prestige de l’heure si favorable aux songes les plus chimériques, que cette gracieuse idée ne leur paraissait pas folle.

Comme il soupirait cependant, elle lui dit, à demi souriante :

— Après tout, peut-être votre ami le poète anglais