Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/23

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s’arrêtait et se laissait glisser sur l’eau unie.

— Où va-t-elle ainsi, le soir, en chantant ? demanda-t-on au batelier.

— Signore, elle porte les fleurs des îles à Pallanza et à Baveno. Pour le moment, elle vient de faire sa provision à l’Isola Madre pour la vente du matin.

— Ainsi ! s’écria Mme Belvidera, la barque que nous apercevons est en ce moment-ci remplie de fleurs !… Oh ! comme je voudrais voir cette jolie fille !

La petite Luisa trépignait de joie à l’idée qu’il serait possible de voir la gracieuse image que l’on venait d’évoquer.

Gabriel, qui brûlait de nouer connaissance plus intime avec la jeune femme, proposa hardiment une excursion en commun. Grâce à l’étiquette facile des réunions cosmopolites, tout le monde fut promptement d’accord, jusque même Dante-Léonard-William, qui malgré les réflexions chagrines prodiguées à son galant compagnon, fermait promptement les yeux à toutes les contingences humaines, pourvu qu’on favorisât ses rêves par des spectacles attrayants. Cinq minutes après, ils voguaient à la rencontre de la belle Carlotta, d’Isola Bella.

Quand ils ne furent plus qu’à une courte distance, le parfum des fleurs leur arriva en une sorte de nuée lourde qu’ils traversèrent, puis retrouvèrent à plusieurs reprises, comme si elle serpentait à la surface des eaux.

— Doucement ! doucement ! faisaient-ils au batelier, tant il y avait de plaisir à prolonger l’approche de la barque odoriférante.

Carlotta s’était tue, et, comprenant que l’on se dirigeait vers elle, elle laissait, elle aussi, flotter mollement les rames. On vit à la lueur de la lune, sa figure régulière et ses beaux yeux qui paraissaient teintés par