Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/261

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tesse de jeune fille ! Mais non ! pardieu ! Luisa était aimée de l’homme que Solweg aimait ! Ah ! tant pis ! on allait bien voir !

— Vous êtes heureuse ? fit Luisa avec insistance.

Solveg ne pouvait plus parler ; il était visible qu’elle n’articulerait pas un mot sans que tout débordât.

Elle fit un effort extraordinaire, en se redressant sur la chaise, et, mordant son mouchoir :

— Oui, dit-elle, très heureuse !

Mais c’était tout ce qu’elle pouvait. Les digues cédèrent ; un flot de larmes jaillit ; elle fut secouée pendant plusieurs minutes d’une succession de sanglots ininterrompus.

Mme Belvidera ne désirait pas autre chose.

Elle la croyait rendue. Après cela, l’animosité de Solweg devait tomber, et Luisa goûterait la double satisfaction de voir s’entr’ouvrir ce cœur et de le dorloter, de le soigner. C’était à la fois pour elle une petite vengeance de femme et un goût très franc de faire du bien à cette enfant.

Dès qu’il y eut un peu de répit, Luisa s’approcha d’elle, et, sans dire mot, sans trop réfléchir à ce qu’elle faisait, mais de cet élan instinctif qui vous porte à caresser les enfants qui pleurent, elle fit un mouvement pour l’embrasser.

— Non ! non ! dit Solweg, avec une fermeté qui épouvanta la jeune femme, non, madame ! ce n’est pas possible !

Si Mme Belvidera espérait un aveu de sa part, elle n’en attendait certainement pas d’aussi net. C’était clair, il n’y avait pas de façon plus tranchante de se poser en rivale. Aucune autre raison ne pouvait plus l’empêcher d’accepter son baiser ; après ce que Luisa venait de faire, dans toute autre situation, eût-elle été