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Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/270

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séquences de son bavardage, gardait, à côté de Solweg à peine rétablie, une figure chagrine et chiffonnée. Dompierre et sa maîtresse traînaient la chaîne de leur liaison sous les yeux de M. Belvidera. Le malheureux Lovely se ravalait chaque jour aux fonctions les plus méprisables, et sa pauvre femme s’effaçait avec une résignation chrétienne. La petite Luisa était au désespoir de sentir une gêne nouvelle entre sa mère et son amie.

Deux êtres seuls étaient étrangers à toutes ces misères et conservaient leur sérénité : Dante-Léonard-William qui n’était préoccupé que d’achever un poème composé à Bellagio, et M. de Chandoyseau qui, ne soupçonnant rien au drame qui se jouait autour de lui, parlait à tort et à travers, aux uns et aux autres, non sans commettre, bien entendu, nombre de ces « gaffes » monumentales qui sont l’apanage des gens pourvus d’un aussi heureux naturel.

Quant à Carlotta, un changement profond s’était produit dans sa contenance, et grâce auquel, ce soir, au lieu de se trouver sur le banc des premières avec sa toilette arrogante, elle était assise modestement à l’avant, enveloppée dans son châle noir.

Par suite du prolongement du séjour de Lee à Bellagio, il s’était trouvé que la pauvre fille dépassait la durée de l’absence autorisée par sa famille sous le prétexte d’aller voir sa sœur à la villa Serbelloni, ce qui compromettait le commerce des fleurs, et devait inspirer de terribles inquiétudes à Paolo. De plus, le bruit de ses dépenses extraordinaires et de son succès de curiosité au lac de Côme, était promptement parvenu, comme on le pense, jusqu’à l’Isola Bella, et une lettre menaçante de sa mère, apostillée violemment de la main de son fiancé, lui avait intimé le matin même l’ordre de regagner immédiatement la maison. Car-