Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/311

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Quand il releva les paupières, il était radieux. Il expliqua avec aisance comment la chose invraisemblable s’était produite, comment le démon s’était emparé de lui, et l’avait porté à salir la réputation d’une enfant. Ce qu’il avait fait était immonde, disait-il. Jamais le pécheur n’était descendu si bas dans la turpitude. Il n’y avait pas d’excuse à sa faute (en disant cela, il pensait à ses désirs adultères), il l’avait commise pleine et entière, telle qu’il la confessait à la face de tous. Par là, il avait déshonoré sa vie, souillé son habit, répandu l’opprobre jusque sur les siens. Il s’accusait et gonflait sa misère. Une étrange volupté l’enivrait. Il avait de la peine à finir de s’abîmer. Songez que c’était la seule façon qui lui restât d’éprouver du plaisir par l’amour !

— Il est fou ! c’est évident ! telle fut l’opinion de tous.

Mme de Chandoyseau ne savait où se mettre. Ce n’était pas cela qu’elle avait attendu de son clergyman. Elle avait compté sur une intervention discrète, sur un aveu habilement adressé à Dompierre ou à quelqu’un de particulier. Ce vieil imbécile embrouillait les choses sans profit, et il se perdait lui-même inutilement. C’était une amère dérision.

— Il est fou ! il est fou ! chuchotait-on de toutes parts.

Quelques-uns cependant prenaient le parti de l’admirer.

— C’est crâne, tout de même, ce qu’il a fait là, en avouant ça !

— Mais ce n’est pas lui qui a inventé les histoires de la Carlotta !

— Eh bien ! alors, c’est encore mieux ! Il s’est sacrifié pour quelqu’un !

— Ah ! pour un sacrifice, ça c’en est un, par exemple !