Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/315

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d’Isola Madre dans toutes les directions. De petites lames dures agitaient le lac et toutes ces coques de noix vacillaient. La crainte du danger détourna les esprits de la tristesse de ce que l’on venait de voir et de tout ce que l’on sentait irrévocablement passé. En mettant le pied à terre, Mme Belvidera s’approcha de son amant et lui dit :

— Adieu, mon ami ; nous partons.

Le malheureux s’attendait à tout. Cependant, il porta la main à la gorge, comme s’il se sentait étouffer.

— Ne prenez pas cette figure-là, je vous en prie ! dit-elle. Je vous ai prévenu pour éviter que mon mari vous annonçât la nouvelle le premier. Ah ! de grâce ! ne lui faites pas cette figure-là !…

— Bien ! bien !… J’aurai le sourire sur les lèvres !

— Je ne vous demande pas cela… Mon Dieu ! que vous êtes nerveux ! Je vous supplie seulement de vous tenir, de… l’épargner !…

— … De l’épargner ?…

— Oui. Oh ! j’ai peur, si vous saviez, j’ai une peur de ce dernier moment !…

— Ah !

— Dame ! mon cher ami, vous ne vous voyez pas ! mais il y a des fois où vous tremblez en lui donnant la main !

— Ah !

— Ça vous fâche que je vous dise ça ?

— Non, non ! Oh ! je ne songe pas à me fâcher !

— Enfin, vous ne voulez pas faire le malheur de toute ma vie ?

— Non, non ! je ne veux pas faire votre malheur ; soyez tranquille : je ne tremblerai pas en lui donnant la main !… Mais, ajouta-t-il, les yeux à l’envers, quand partez-vous ?