Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je t’embrasse, mon amour, je t’aime sans cesse, jusqu’à en souffrir et à pleurer quelquefois comme une bête de ton absence. Je n’insiste pas ; mais quand je rentre, le soir, harassé non tant du mal que je me suis donné que de la mauvaise volonté et de la basse perfidie que j’ai rencontrées ; quand je te cherche, que je voudrais me jeter dans le refuge de tes bras et de tes lèvres adorées, ma femme, ma chère femme, je suis presque pris de lâcheté. Il y a des moments où je ne sais comment il se fait que je ne pars pas, que je ne vais pas te rejoindre, tout simplement !

Baise ma petite Luisa pour son papa. Ah ! j’oubliais de la féliciter « d’avoir enfin trouvé le jeune homme de son goût » ; je la prie — si elle ose le faire — de transmettre mes compliments à ce monsieur pour avoir plu à ma fille et surtout pour l’avoir empêchée de tomber dans l’eau !

                    Adieu, je vous aime.

Ton
Andréa Belvidera.

Quand l’enfant eut achevé, elle replia soigneusement la lettre et alla la placer sur la cheminée, au pied d’un cadre de cuir à fermoir, contenant la photographie d’un homme de trente-cinq ans environ, à la physionomie mâle, énergique, aux beaux yeux noirs ardents, aux cheveux épais et drus, à la forte moustache brune des Italiens fidèles à la mémoire de Victor-Emmanuel.

— Bonjour, papa ! dit-elle. Et, tout en répondant à sa mère qui descendait et lui recommandait de se dépêcher de venir au jardin, elle envoyait des baisers à cette figure aimée, d’un joli geste enfantin.

À l’ombre de l’hôtel, les conversations se traînaient