Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/45

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sur le côté et en indiquant du doigt l’Anglais, le voilà qui allume son cigare…

— Il allume son cigare ! répéta avec complaisance Mme de Chandoyseau.

Et les mêmes mots béats et creux errèrent sur la bouche de plusieurs femmes qui jusque-là n’avaient pas fait attention au poète et qui penchèrent toutes un peu la tête sur le côté en le contemplant avec une sorte d’attendrissement.

Mme Belvidera, qui passait sa main dans la chevelure de sa fille, se tourna vers Dompierre :

— N’empêche, dit-elle, que votre ami est laid comme un péché !

— Chut !… vous allez vous mettre mal avec ma compatriote, et j’ai le plus vif désir de vous voir toutes les deux en bons termes.

— Ah ! ah ! fit-elle, et pourquoi, s’il vous plaît ?

— Parce que !…

— Oh ! oh ! vous voulez faire le mystérieux, vous aussi, pour qu’on vous regarde en penchant la tête quand vous allumerez votre cigare ;… ça ne vous va point !

— Pas plus qu’il ne vous va de plaisanter !…

— Mais, fit-elle, cela m’arrive quelquefois ;… prétendriez-vous ?…

Le jeune homme prit un ton si grave et si suppliant que le seul mot qu’il prononça équivalait au plus franc et au plus passionné des aveux :

— Je vous en supplie, dit-il, ne plaisantez pas avec moi !

— Ah ! dit-elle, comme si elle venait d’être frappée violemment.

Sa figure reprit subitement ce calme sérieux dont la beauté faisait frémir Gabriel. Elle baissa les yeux,