Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/50

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qui sont bâtis pour se comprendre sans le secours du saint-esprit, et il est bien heureux qu’ils n’en aient pas besoin, car ils risqueraient d’être longtemps sans échanger leur pensée de derrière la tête !… »

— Hector, donnez-moi le bras… Vous, dit-elle, en regardant les jeunes gens, je vous permets d’en faire autant ; je joue le rôle de maman…

Mme Belvidera n’eut pas l’air d’entendre et appela la femme de chambre pour prendre la fillette. Puis elle revint vers Gabriel, et ils descendirent tous les deux vers le lac, à une certaine distance de leurs chaperons, et sans se donner le bras.

— Votre Parisienne me déplaît beaucoup, beaucoup, dit Mme Belvidera ; de plus, je la trouve impertinente, avec sa manière de vous dire : « Donnez-vous le bras ! »

— C’est une « mondaine », elle est gâtée par la mauvaise fréquentation.

— Vous avez un singulier monde !

— On ne parle que de celui-là.

— Mais, ajouta-t-elle en souriant, vous me devez au moins des excuses pour m’avoir engagée à la fréquenter…

— Je les mets à vos pieds, madame, mais je vous prie encore de la fréquenter…

— Ah ! c’est un peu fort !

Ils ne trouvaient plus rien à dire, ils étaient parvenus jusqu’au bord du lac sans avoir rejoint leurs nouveaux amis. Le chant de Carlotta reprit au loin et leur causa un tressaillement involontaire. Le souvenir de la soirée sur le lac leur reversait son charme puissant, et l’image de leurs deux personnes, qui forcément s’y mêlait, bénéficiait de la séduction qu’avaient éprouvée tous leurs sens.

Il tendit le bras, presque instinctivement, à la jeune femme, et elle y suspendit le sien. L’idée leur vint