Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/55

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— Comment ça va-t-il ?

— Ah !

Elle s’arrêtait tout à coup :

— Dieu que ça sent bon ! Qu’est-ce que ça sent ?

Ils passaient sous d’énormes magnolias en fleurs et des massifs de roses les entouraient ; mais, pour lui, il marchait dans son sillage et croyait ne respirer qu’elle.

— Qu’est-ce que ça sent ? répétait-il gauchement.

— Dites ! dites ! fit elle en lui cognant l’épaule du bout de son ombrelle qu’elle avait fermée pour passer sous les branches basses.

Elle le vit pâlir un peu en battant des narines. Elle lut dans ses yeux toute la pauvreté servile du chien qui marche à côté de son maître et jette sur la main qui le tient en laisse un regard d’esclave et d’amoureux. Elle se pencha vers lui comme une déesse pitoyable et lui tendit ses lèvres, toute sa bouche imprégnée du parfum de sa jeunesse et de ce matin enchanté.

Après une longue étreinte, seulement, elle songea à regarder si personne ne les voyait, et à cette pensée, elle rougit très simplement, très sincèrement.

Ils montaient en silence les marches de marbre de la dernière terrasse. Elle ramassa à ses pieds une feuille gigantesque de quelque plante tropicale, et s’en servit avec grâce comme d’un éventail. Elle s’arrêta, un peu essoufflée, à la fin.

— Pas une âme dans les jardins, ce matin ; nous sommes seuls, nous sommes bien…

Il se rapprocha d’elle ; ils n’en finissaient pas de gravir ces escaliers.

Arrivés sur la grande plate-forme aux dalles de marbre qui domine l’île entière et est comme le faîte d’un colossal reposoir, ils s’accoudèrent à une balustrade regardant le lac. Le soleil ardent l’immobilisait