Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/61

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— Mais non ! mais non ! fit-il vivement, en la repoussant, cette jeune fille est encore là… tenez ! tenez ! la voici… ah ! saprelotte !…

Il avait eu à peine le temps d’écarter la tête de Mme Belvidera, que la jeune fille demeurée en arrière, soulevait le rideau de lierre et passait dans la déchirure lumineuse qu’elle produisait à leurs yeux, sa très jolie tête blonde qui demeura pétrifiée en apercevant un monsieur et une dame élégants enfermés là et la dévisageant elle-même avec les marques de l’effarement le plus complet. Elle rougit ; fit le mouvement de se retirer ; mais sa stupéfaction même la laissa assez de temps inerte pour qu’elle gardât de leurs physionomies une empreinte suffisante à les inquiéter. Enfin elle s’enfuit en courant, et ils entendirent la voix aigrelette de Mme de Chandoyseau :

— Solweg ! Solweg ! eh bien ! que fais-tu là, ma jolie ?

Ils se regardèrent réciproquement en prononçant l’un et l’autre à la fois le nom de « Solweg. »

— Solweg ? dit Mme Belvidera, qu’est-ce que c’est que ça ?

— C’est un nom du nord, un nom ibsénien…

— Cette jeune fille, alors, serait une Scandinave ?

— Ou une Parisienne au goût du jour… une artiste, peut-être, ou un jeune bas-bleu : « Solweg » doit être un pseudonyme.

— Vous croyez ?

— En tout cas, si c’est une amie de Madame de Chandoyseau, ça doit être une farceuse…

— Elle est bien gentille.

— Plaise au ciel qu’elle soit discrète !

— Ça, ce n’est pas possible.

— Peut-être que si, tout de même ; cela dépend du