Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/60

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contreux. Le guide répéta en italien le plaisant propos qui avait valu cette forte hilarité de la part d’une dizaine d’Allemands qui étaient là. Il expliquait que cette grotte portait le nom de « chambre de Vénus » et que la tradition voulait que le manteau de feuillage y fût poussé naturellement, sans que personne y eût mis la main, et pour la seule raison de la pudeur. Tout le monde trouva l’à-propos excessivement drôle, car on n’est pas difficile sur la qualité de l’esprit au cours d’une excursion botanique.

Ce disant, le guide facétieux secouait le manteau de lierre de la façon la plus inquiétante et sans se douter que sa plaisanterie médiocre avait pour les amants un sel particulier. Dans une des éclaircies que leur valait le balancement imprimé par ce satané bonhomme à la portière naturelle, Gabriel faillit pousser lui-même une exclamation. Il venait d’apercevoir, derrière le groupe barbu des Teutons, M. et Mme de Chandoyseau ! Si par malheur une tige de lierre venait à se rompre et à les découvrir, Mme Belvidera était compromise, et aux yeux de cette pie-borgne de Parisienne qui tenait à sa merci tout l’Hôtel des Îles Borromées.

Il avoua son inquiétude à la jeune femme. Elle-même reconnut leurs bons amis les Chandoyseau par la fenêtre intermittente dont le jardinier les gratifiait trop abondamment.

— Mais, dit-elle, ils ont avec eux une jeune fille que je n’ai pas aperçue encore à l’hôtel ?

— Allons donc ! Madame de Chandoyseau connaîtrait quelqu’un dont elle ne nous aurait pas entretenus ?

— Mon ami, cette jeune fille, qui est fort bien, entre parenthèses, donne le bras à Madame de Chandoyseau.

Ah ! Dieu soit loué ; les voilà qui s’en vont ! dit-elle en l’embrassant avec toute la joie d’être sauvée.