Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/71

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Antonius n’avait pas prévenu parce qu’il sait l’affection qu’a la sœur aînée pour la cadette, et qu’il était certain de l’heureux effet de cette surprise. Est-ce clair ?

— Et Antonius ?…

— Antonius a filé tout droit sur Venise. Ce n’est pas un homme qui a du temps à perdre.

Mme  de Chandoyseau frappant dans ses mains leur criait du haut de la petite terrasse de la trattoria où des tables proprettes étaient disposées pour le déjeuner :

— Eh bien ! eh bien ! qu’est-ce que c’est que ces bavards-là ! Voulez-vous bien vous dépêcher ; le risotto vous attend, et venez voir un peu les jolies flasquettes de chianti ! Quand on pense qu’à l’hôtel on nous le sert dans des bouteilles ordinaires ! il faut se plaindre ; nous nous plaindrons, n’est-ce pas, Hector ? n’est-ce pas, vous ? il faut rédiger une pétition : je la ferai apostiller par mon ami le révérend Lovely…

— Le révérend ?…

— Lovely ; Lo-ve-ly ! Vous savez bien, le clergyman, mon clergyman. Figurez-vous, ma chère, dit-elle en se penchant à l’oreille de Mme  Belvidera, figurez-vous qu’il me fait la cour !…

— Oh !

— Comme j’ai l’honneur de vous le dire !

— Mais ! et mistress Lovely ?…

— Mistress Lovely n’y voit que du feu ; mistress Lovely m’adore, positivement ! C’est une femme d’une simplicité sublime… Je vous raconterai quelque chose à ce propos…

— Dites donc !

— Non, non, une autre fois… j’ai peur que Solweg ne m’entende…