Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/83

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à ton débordant amour. J’en garderai un trouble ineffaçable. »

— Ha ! ah ! ha ! se prit-il à faire presque tout haut, le trouble ineffaçable de la petite sœur de Chandoyseau ! ha ! ha ! ha !… Je deviens fou, à moins que je ne sois tout à fait sot !…

Il fit un bond en sentant deux mains se poser sur ses yeux.

— N’ayez pas peur, monsieur le vilain homme qui venez ici vous cacher pour rire tout seul et qui ne voulez pas rire avec moi !… De quoi riez-vous ?

— De moi ! fit-il en attirant Mme  Belvidera.

— À la bonne heure !… Ah ! dit-elle, mon ami, je suis harassée ; je n’en puis plus. Pourtant je vous ai vu vous diriger de ce côté et j’étais curieuse de savoir si vous viendriez là dans cette barque… dans notre barque : et je suis heureuse, heureuse que vous y soyez venu !

Il la serrait dans ses bras en la couvrant de baisers. Elle pencha la tête sur son épaule, tout épuisée de la fatigue de ces heureuses journées ; il sentit que son front était brûlant.

— Luisa, vous n’en pouvez plus, rentrons !

— Non ! non ! dit-elle, il fait bon là !… sentez-vous ?

La soirée s’avançait, la lune montait derrière la montagne éloignée, et les petites brises espacées fraîchissaient.

— Comme on respire ! mio, dit-elle, comme on est bien !

Il arrangea les coussins sous son corps. C’était un grand plaisir de le soulever, de le reposer sur la moleskine froide, et de le sentir plus à l’aise. Elle nouait à son cou ses jolies mains fines, un peu grasses ; il lui enlaçait les reins, et la déposait sur le divan improvisé.