Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mant, et vous devez avoir à Paris de délicieuses relations…

Elle le regarda avec une moue très jolie et très intelligente au fond du bleu limpide de ses yeux, et sans répondre.

« Bien ! bien ! fit-il en lui-même, tu te dis que je te verse des banalités que tu trouves un peu longues pour le début ! Tu aimes que ça ne traîne pas, toi ; tu t’étonnes que je ne t’aie pas fait jusqu’à présent un compliment s’adressant directement à toi ; ou bien que je ne t’aie pas pressé le bras dans ma main au lieu de lanterner dans les bêtises, comme un collégien. Eh bien ! bernique, ma petite, tu peux te fouiller ! je suis ici de corvée, moi, tu n’as pas l’air de t’en douter : on m’a commandé de valser avec toi, petite péronnelle, et je valse, et je valse, aïe donc ! Je valse même pas mal, comme tu vois ! ça n’est déjà pas si désagréable ! il y en a qui s’en contenteraient !… Mais quant à faire l’aimable, le spirituel, ou bien quant à ouvrir le flirt, non, ma belle, non ! rien de fait !… Ah ! parce que tu m’as vu dans la grotte, parce que tu sais que je n’y vais pas par quatre chemins avec la belle Italienne, tu penses que je n’ai plus à me gêner avec toi : il y a presque une complicité, presque une connivence entre nous ; et parce que tu me laisses voir que je te botte assez, tu te demandes pourquoi je n’y vais pas avec toi à la bonne franquette ? Eh bien ! non ! non ! Je continuerai d’être banal et décent : je te dirai des choses stupides et convenables ; je ne presserai pas ton bras, malgré qu’il ne soit pas mal du tout, ça, je ne dis pas non ! »

— Avouez, mademoiselle, que l’on vous avait trompée en vous disant que j’étais un valseur ; mais je crois, en revanche, que je le deviendrais en dansant avec vous…