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MADEMOISELLE CLOQUE

Très jolie, d’une beauté provocante, avec son teint mat et ses magnifiques cheveux noirs, le nez bourbonnien un peu trop accentué peut-être, mais une bouche exquise, une taille superbe pour ses dix-huit ans, et une toilette, grâce au scandale de la voiture, qui éclaboussait la modeste petite tenue réglementaire de Geneviève et les accoutrements grotesques des Mlles Houblon. Elle vint, sans gêne aucune, tendre la main à celles-ci qui se mirent assez gauchement à rougir pour elle et à rester embarrassées, louchant sur leur soucoupe et sur leur papa, sans savoir si elles devaient ou non répondre. Ce que voyant, Léopoldine, sans plus se préoccuper, mangea avec un appétit féroce dû aux quinze jours du régime de la sœur vachère.

Mlles Jouffroy, blêmes de dépit, entre leur nièce dont elles étaient peu fières, et les deux principaux basiliciens vis-à-vis desquels elles avaient eu l’humiliation d’avouer l’existence du « fonctionnaire de la République », se drapaient dans une dignité artificielle, et pinçaient les lèvres, croyant voir partout des provocations et jusque même dans les amabilités de Mlle Zélie.

Les jeunes filles s’écartèrent peu à peu de Léopoldine qui, demeurée seule, continua de manger face à la rue où des jeunes gens tournaient longuement la tête, attirés par cette jolie fille à la bouche goulue et éblouissante.

Tout à coup, Mlle Cloque, restée debout pour ne