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EXÉCUTION

Avec cette clarté de vision des natures sensibles qui changent de lieu, Geneviève regarda la petite allée sablée entre la porte de la salle à manger et la haie des fusains, l’extrémité d’une corbeille ovale de rosiers en face de l’autre flanc de la maison, et sous le magnolia, la porte basse grillagée à hauteur de genoux, et peinte en vert, qui ouvrait du côté de la plomberie, pour les personnes venant de la rue de l’Arsenal.

— Tiens ! dit-elle, les fusains ont poussé… Tante, tes rosiers ont besoin d’eau.

Mais c’était pour dire quelque chose, car, au fond d’elle, elle éprouvait l’angoisse étrange que donnent les endroits connus, où l’on revient vivre après en avoir été séparé. Et, pour la jeune fille qui n’avait passé ici que des vacances monotones et solitaires, beaucoup moins gaies en vérité que les mois d’étude dans le beau couvent aux jardins immenses, aux nombreuses figures souriantes, et où elle jouissait en raison de son intelligence et de sa tenue, d’un traitement un peu privilégié, cette petite allée, cette maigre verdure et cet horizon borné par la grosse et vilaine maison du propriétaire, produisaient l’effet d’une insurmontable oppression. Il s’y joignait l’inquiétude sourde causée par tout ce qu’elle avait remarqué d’ambigu autour de sa tante depuis la descente de l’omnibus : les demoiselles Jouffroy qui ne lui disaient plus bonjour ; bien d’autres personnes qui lui faisaient grise