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EXÉCUTION

Une entre autres lui revenait sans cesse. C’était à la fin des vacances de l’année précédente aux derniers jours de septembre. Le matin, au déjeuner, sa tante lui avait dit, avec toutes sortes de circonlocutions coupées et recoupées par les entrées de Mariette, qu’une chose très grave avait été sérieusement discutée entre elle et la famille de Grenaille-Montcontour, et qu’il fallait en savoir beaucoup de gré à M. le comte qui se contentait de la dot réglementaire exigée pour les mariages d’officiers… Quels battements de cœur, pendant ce repas-là ! Et l’après-midi, on avait été faire visite à la comtesse, à l’hôtel du boulevard Béranger. Il faisait beau ; on avait fait un tour de jardin avant de se quitter. C’était un jeudi, on entendait sur le mail la musique militaire. Et on se promenait en causant, un peu à bâtons rompus, dans les grandes allées droites bordées de buis. Mme de Grenaille montrait à Mlle Cloque une frise de faïence artistique d’un goût assez médiocre, qu’elle venait de faire appliquer sous la corniche de l’hôtel. La jeune juive cueillait les dernières fleurs de la saison ; on lui voyait faire par moments une jolie grimace, en fronçant ses sourcils bruns, épais et bien arqués, lorsqu’elle se piquait les doigts, et aussitôt après elle souriait en regardant Geneviève de ses yeux mauves et en montrant ses dents admirables. Une rose thé qui penchait la tête au centre d’un massif était trop éloignée pour que la