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MADEMOISELLE CLOQUE

jeune femme pût l’atteindre, et elle avait appelé Marie-Joseph. Le sous-lieutenant s’était élancé, avait atteint adroitement la rose, et, au lieu de la remettre à sa belle-sœur, il l’avait directement offerte à sa future fiancée, en la regardant comme il n’avait jamais fait encore. Elle l’avait reçue de sa main ; leurs doigts se s’étaient même pas effleurés. Elle avait rougi, puis pâli et tremblé. Pour se donner une contenance, elle avait fait remarquer au jeune homme une gouttelette de sang qui lui perlait à la main. « Oh ! ce n’est rien ! » avait-il dit simplement, sans chercher à faire de madrigal ; et il l’avait essuyée de son mouchoir. Mais elle, deux fois avant de partir, lui avait demandé : « Et votre blessure ?… » Il lui avait répondu seulement par un sourire, mais qui voulait dire beaucoup, du moins elle n’en doutait pas. Ils s’étaient parlé au travers de cet incident de rien du tout. C’est le vrai langage de l’amour. C’était une petite chose qu’ils ne pouvaient plus oublier.

Elle se leva, se recoiffa, enleva son affreux filet de pensionnaire et noua négligemment l’épaisse torsade de ses cheveux ; sur le front et sur les tempes, ils frisaient naturellement et formaient une sorte de mousse d’un blond d’or. Cette seule modification lui changeait complètement la physionomie ; avec ses doux yeux de velours, son nez bien fait et sa bouche fine, elle était charmante. Deux toilettes la tentaient ; mais elle se