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EXÉCUTION

dit qu’il fallait être raisonnable, et prit une robe unie et une petite blouse écossaise. Dès qu’elle se jugea bien, elle alla frapper chez sa tante.

Mlle Cloque était assise dans son fauteuil contre la fenêtre de la cour. Elle avait ôté son chapeau remplacé par un bonnet noir. Ses lunettes étaient relevées sur le front ; elle croisait les mains, les deux index en compas appuyés sur les lèvres ; et ses yeux attristés reposaient sur les feuilles du catalpa qu’un air faible agitait. La scierie criait dans le lointain ; les bruits métalliques de la plomberie couvraient le clapotis de la fontaine.

Geneviève entra avec tout le parfum de la jeunesse, et sourit.

La vieille tante écarta les mains d’admiration, en la voyant transformée.

— Oh ! dit-elle, pourquoi t’es-tu faite si jolie ?

— Embrasse-moi, tante !

Geneviève courut au fauteuil.

Quand elle releva la tête, sa tante la regarda avec un air si accablé qu’elle eut peur. Quelque chose chavira visiblement, dans l’eau sombre de ses yeux. Ce fut comme un naufrage de son espoir ébranlé mais que sa dernière prière avait redressé tout à l’heure.

Mlle Cloque lui appuyait les deux mains sur les cheveux, et, du pouce, relevait tendrement la mousse d’or de son front. La pauvre tante était plus malheureuse que la nièce. Il lui sem-