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Page:Boylesve - Mademoiselle Cloque, 1899.pdf/166

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EXÉCUTION

Elle dépliait la pile du Journal du Département ; elle lisait les articles à haute voix, ramenant ses lunettes sur les yeux ou les relevant sur le front. Elle dit même très franchement la belle prouesse de Marie-Joseph…

— Tu vois bien ! fit Geneviève, il n’est pas comme son père !…

Alors Mlle Cloque raconta l’entrevue qu’elle avait eue avec le sous-lieutenant, rue Rapin, d’où elle avait rapporté la certitude que l’héroïsme du jeune homme ne dépassait pas les limites d’une question d’amour-propre vis-à-vis des officiers de son régiment ; elle dit avec quelle facilité il avait accepté dès le lendemain les raisons ou les ordres de son père qui le menaçait de lui couper les vivres.

— Ce n’est pas un mauvais garçon ; il est bon et brave. Je ne doute pas qu’il ne soit capable d’accomplir de belles actions sur le champ de bataille ; mais le plus difficile, à mon avis, c’est de les accomplir, ces belles actions, sur le champ très terre à terre de la vie de chaque jour. Au milieu du feu et au son des trompettes, j’imagine que le plus poltron peut se couvrir de gloire ; mais c’est une autre affaire quand il s’agit de soutenir son honneur mordicus contre un papa qui vous menace de vous priver de votre argent de poche…

— Mais tante, tante, disait Geneviève entre deux sanglots, réfléchis aussi que c’était son père ;